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Chroniques de l'autoroute A2809.

21 août 2010

COUCOU HERvé SPECIALE DéDI exclu mondiale mais

COUCOU HERvé SPECIALE DéDI exclu mondiale mais c'est écrit d'une traite et me suis pas relue.

 

Tout au début de l’univers, il n’y avait rien qu’un grand œuf tout blanc. A l’intérieur, il y avait octobre, recroquevillée sur elle-même comme quelqu’un qui n’est pas encore né. Mais dans le noir de ses yeux clos, Octobre, palpitante, venait de s’éveiller, et commençait déjà à s’ennuyer.

Comme elle conaissait trop peu de choses pour pouvoir réfléchir, elle décida d’inventer.

Le premier mot qu’elle inventa fut : Septembre. Ensuite, elle inventa huit autres mots : Octobre, novembre, décembre, janvier, février, mars, avril, mai. Ravie d’avoir déjà, avant même d’avoir éclot, inventé tant de merveille, elle se résolut à les compter : pour cela, elle inventa les chiffres jusqu’à neuf.

Très fatiguée de tout cet extraordinaire travail d’invention, Octobre s’endormit. Quand elle se réveilla, elle se rendit compte qu’elle avait rêvé une troisième invention : c’était une très vive lueur, incolore et inodore, qui avait l’avantage de se distinguer de tout le reste autour, elle l’apella lumière.  Ainsi, Octobre se rendit également compte pour la première fois de la différence entre l’état de sommeil et l’état d’éveil : pendant le sommeil, elle rêvait, et durant l’éveil, elle inventait. Octobre réfléchit, puisqu’elle avait déjà des conaissances suffisantes pour pouvoir y réfléchir, et décida qu’elle couperait la vie en deux parties différentes. Celle où on invente, et celle où on rêve. Elle ne leur donna pas de nom.

Octobre dormit à nouveau, très longtemps, du moins lui sembla t’il. En se réveillant, elle se rendit compte qu’elle avait rêvé une nouvelle invention : c’était une vive lueur inodore et incolore qui ne passait pas par le même chemin que ses rêves et ses inventions. Octobre inventa alors la musique.

Elle fit le compte de ses rêves et se rendit compte que deux sommeils avaient passé depuis qu’elle avait inventé son premier mot. Tout ce qu’elle avait acquis jusqu’alors l’impressionna elle-même. Et c’est seulement à ce moment là qu’elle prit pleinement conscience de ce qu’elle était. Octobre pensa alors qu’il faudrait inventer un mot qui la désignerait en tant qu’elle-même. mais il lui sembla que c’était encore trop tôt.

Octobre se rendormit en pensant que tout cela était pourtant bien fatiguant, et qu’elle mettrait bien du temps à inventer tout ce qu’elle avait d’enfoui fourmillant dans son imagination. Alors, inconsciemment, en rêve, lui vint à l’esprit l’invention la plus étrange qu’elle ait eu jusqu’à présent. Mais avant qu’elle eut le temps de la réaliser, une musique tout à fait différente de celle qu’elle avait inventé parvint à son esprit, mêlée à une lumière tout à fait différente elle aussi. De plus, ces lueurs provenaient de l’extérieur de son sommeil. Elle s’éveilla alors pour tenter de mieux observer ses deux dernières inventions, qui semblaient avoir quelque peu changé depuis. L’une était beaucoup plus accoupée et chatouilleuse que celle dont elle avait rêvé, et cependant à une intensité si dérisoire qu’elle s’étonnait d’y avoir prêté attention. L’autre, douce et plus tamisée, à peine perceptible, était biseautée et, elle aussi, si faible qu’Octobre l’aurait à peine remarquée.

Voilà. C’était cela. L’extérieur.

Alors, Octobre, qui ne se laissait pas décourager de si vite, pressentant avoir engendré cette fois ci quelque chose d’incomparable, résolut de s’inventer des membres de même nature que cet extérieur, qui obéïraient directement à son imagination afin de pouvoir lui porter secours en de tels cas. Octobre venait de comprendre la différence entre les deux mondes qu’elle venait de créer, le monde liquide et le monde solide. Elle les nomma : intérieur et extérieur.

Octobre jugea bon de condenser le vaste fourmillement de son liquide en un tout petit oeuf solide, qu’elle plaça dans un premier membre. Comme elle ne savait compter que jusqu’à neuf, Octobre s’inventa huit autres membres, tous similaires, qui viendraient se greffer au premier.  

Octobre était très impatiente d’inventer l’extérieur. Elle prit cependant quelques temps pour réfléchir à cette toute nouvelle invention, celle du monde solide, qui l’inquiétait grandement : Plus Octobre y pensait, plus elle se rendait compte à quel point l’état solide était pénible, étroit et sourd. Au fur et à mesure, cette senation devint insoutenable. C’est ainsi que lors de son troisième éveil, Octobre inventa la douleur.

Tout ceci l’avait épuisée, mais il lui était évidemment impossible de trouver le repos alors que ses membres la brûlaient de toutes parts. Octobre décida alors de rencontrer l’extérieur. A ce moment là, la musique chatouilleuse s’amplifia jusqu’à atteindre une puissance impressionante, puis, cessa brusquement : c’est à ce moment que la lumière, soudain, jaillit de l’interstice et vint engloutir le reste.

 

Octobre n’avait plus du tout sommeil. Elle se rendit compte que son extérieur tel qu’elle l’avait inventé était bien vierge et bien flou.

C’est alors qu’Octobre perfectionna le visible, elle lui ajouta des angles droits et des couleurs, des camaïeux, des spiraes et des tonneaux, elle inventa les ombres et les creux, les illusions et les à-plats, elle en mit partout, des éclairs et des bosses, des carmins des translucides et des phosphorescents.

Octobre en fit de même avec son propre corps. Elle modela les membres, adapta leurs formes, les bariola autant qu’elle put, les para de ventouses, enfin, elle traça des stries dans sa chair et constata qu’ainsi aiguisée, son état solide ne lui était plus du tout douloureux.

Ainsi, elle venait d’inventer un monde sensible non douloureux, et cette nouvelle invention attisa son imagination. Elle créa ainsi le vent et le gaz, le chaud, les bulles, l’aluminium, le terreau et la boue, la glace, la sueur, et la mer.

Octobre contempla la mer et déclara que jamais invention n’avait été plus formidable. Mais la mer se mit à fuir, et disparut. Octobre en fut folle de chagrin et s’endormit au milieu des braises.

Elle dormit très mal. Ses cauchemars inventèrent une douleur intérieure qui ne proviendrait pas de ses membres solides, mais de pensées liquides. Octobre avait ainsi inventé la colère à qui elle venait d’attribuer le chaos humide de la mer.

 

Octobre émergea de son premier sommeil extérieur dans un tel état qu’elle imagina une machine à détruire l’extérieur, qu’elle apella destruction. Elle qui n’avait jamais cessé de créer, se mit à détruire, renverser, désosser, broyer le monde solide qui s’étendait à la portée de ses membres. Et, étrangement, la colère, comme la mer, s’en fut.

Octobre contempla l’extérieur et dut se rendre à l’évidence que tout avait changé. Pourtant, c’était un décor autre, étonnant et pas laid du tout.

 

Octobre s’assit, réfléchit quelques instants. Puis, son regard porta sur ce qui avait précisément été son extérieur pendant quatre sommeils. La coquille était blanche mouchetée de bleu, fendu de parts en parts.

Elle avait, à la vue du nouvel extérieur, inventé la surprise. Pour lui succéder, elle inventa l’allégresse, en s’inspirant de cette étrange chaleur qu’elle avait ressenti à sa découverte de l’extérieur. Je vais inventer les signes manifestes de l’alégresse, se dit Octobre, il y aura le sourire qui sera lumineux et retors comme la lumière à travers la coquille, et le rire, aussi saccadé que le bruit d’un oeuf qui se craquèle.

 

Octobre, assise au milieu du désordre, éclata de rire, et elle jugea que cela était bon.

 

 

 

Octobre tourna le regard dans toutes les directions qu’elle put, et de ce qu’elle vit en faisant pivoter son regard, elle inventa le Monde.

« Le monde sera mon invention la plus vaste, se dit-elle. Il sera couvert d’un miliard d’inventions autres qui fourmilleront hasardeusement entre création et destruction systématique. Le monde ne tournera pas dans un sens déterminé, il n’aura pas de destination. Il n’aura pas de fonction particulière afin de laisser le loisir aux inventions inutiles de profiter de tout. Il sera couvert d’exceptions d’incroyable et de surprises, mais aussi de longues  étendues ennuyeuses et sans périls. Le monde sera fragmenté fractionné divisé, afin que tout puisse toujours arriver.»

 

Octobre sentit la fatigue l’engourdir mais, songeant qu’elle avait encore beaucoup de merveilles à créer, estima qu’elle ne pouvait se permettre de dormir pendant que son monde entier resterait éveillé sans elle. Elle inventa alors une immense coquille noire où elle enferma le monde. Noire comme à l’intérieur, comme quand on ferme les yeux. Cet intérieur immense, elle l’apella nuit.

La nuit endormit le monde, et Octobre resta là toute seule à réfléchir, clignant des yeux afin de vérifier l’étanchéïté de la nuit. Aucune lueur ne venait poindre au milieu de ce grand trou aveugle, et Octobre se rendit compte que cela lui manquait. Elle s’endormit sur ces pensées, mais, pendant son sommeil, elle inventa les ampoules électriques.

 

A son réveil, des tas d’ampoules avaient poussé dans la nuit et ruisselaient comme des gouttes d’eau le long de leurs fins câbles électriques. Des interrupteurs parsemaient désormais le monde, mais il y en avait tant et tant qu’il aurait fallu une éternité pour trouver celui de l’ampoule correspondante.

 

Octobre trouva la nuit si jolie qu’elle décida de ne jamais rétablir la lumière. Les ampoules suffisaient.

 

Octobre continua à grandir.

Octobre décida que son prénom serait Octobre.

 

 

Au fil du temps, certaines ampoules grillèrent en silence, d’autres explosèrent à cause du magma dans les câbles, la grande maoprité brillent encore vigoureusement, certaines plus que les autres.

 

Des ampoules grillées, Octobre fit les planètes et, des ampoules éclatées, elle fit les bocaux.

 

Octobre ne retrouva jamais la mer.

 

 

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30 octobre 2008

Ca sert à rien.

15 octobre 2008

VI.

Je ne suis pas Grande, je ne suis pas Raisonnable. J'ai des envies mais aucune raison. J'avais envie, tellement envie, de prendre mes ailes à mon cou et de ne pas suivre ce grand garçon, cette slihouette aux contours inexacts. Sans aucune raison valable non. Je ne voulais pas tracer sa route je suis électron libre je suis mes propres raccourcis que je le comprenne, ou non, j'ai le don.

J'ai le don de ne pas comprendre le sens du vent d'avoir envie de rien & de tout en quelques secondes, d'arracher aux gens ce qu'ils gardent comme des trésors. J'ai le don le matin de frôler dans mes chutes les plus belles sensations. J'ai le don de la contradiction, j'aspire à n'avoir jamais raison j'adore le son de l'orgue de barbarie et de la marmite à riz. J'ai le don de dévier  toujours du sujet de conversation de parler des cerises de mars alors qu'ils parlent des avions à réaction. J'ai le don de la persuasion de faire cracher aux gens des perles de nacre et je métamorphose même les homards en sirènes... J'ai le don de la déraison je ne sais rien de bon. Je nage je me noie sans arrêt peut-être est-ce à cause du cri que l'on pousse en  naissant.

Je ne sais pas conduire un camion.

J'ai énormément envie de planter l'engin dans le bas côté, le laisser seul comme ça et puis m'en aller à pied m'aplatir sur la ligne d'horizon, peut-être qu'alors je n'aurais pas gâché ma journée. Je regarde dans le rétroviseur et il n'y a personne, pas de girophares qui me poursuivent, pas de tracteur, même pas une minable motocrotte, ce n'est décidément pas amusant.

Je roule & le  paysage proche file à une vitesse si vertigineuse qu'elle nous est familière; je roule et j'ai très faim tout à coup, il faudrait que je mette de la musique. J'appuie avec mon doigt sur le bouton rectangulaire de l'auto radio. J'ai une petite tache blanche sur la peau rose de mon ongle rose. La musique est sèche brutale saccadée, répétitive. Si l'on mettait la tête dans une cage thoracique surement, qu'on n'entendrait que ça. Ce n'est pas de la musique c'est du bois plein d'échardes. C'est encore mieux c'est la sève c'est l'horaire. Comme j'ai envie de me rouler dans la terre j'arrête le camion sur le côté, je fais pivoter la clé, le moteur s'éteint et j'élève l'écharde.

On ne se rend vraiment compte de rien.

Je saute du camion j'aurais envie que la nuit tombe de nouveau très vite pour qu'elle sourie avec son croissant maigre. Mes pieds sont toujours nus un caillous se plante dans le talon... C'est bien là que ça fait le plus mal mais je ne sens plus le bruit de la douleur. J'ouvre les battants du grand coffre obscur on jouerait que ce serait le tunnel sous la manche ou que ce serait une fourmillière géante. J'aimerais bien rejouer aux fourmis géantes et même aux puces de sable!

Il y a des piles de cartons entassées sur des banquettes rouges, un simulâcre d'aménagement sans doute,  des tentures tombent ici et là deux représentent la tête de mort blanche sur fond noir le Jolly Rogers le beau drapeau de Pirate. Le monsieur a accroché des grandes photographies, l’une d’elle représente une silhouette qui se jette d’en haut d’une structure dans un concert, un plat dans la foule, on m'a dit qu'on apellait ça un slam.. Moi je n'en sais rien mais je trouve ce mot laid. Sur une autre figure un homme carré, solide, le nez en sang, qui brandit sa main ouverte devant son œil. Il y a aussi une plaquette de photos d’identité où posent deux petites filles brunes qui ressemblent à des petits oiseaux. 

Sur le sol ou sur les banquettes, je trouve des caisses remplies de vinyles, des jerricans. Des bouteilles, un réchaud, des câbles, des bombes de peinture, une guitare. Des bâches pliées en dix. Des casseroles. Des bocaux. Une baramine qui traîne au milieu des livres qui jonchent le sol, des torches. Quatre énormes enceintes obstruent le fond du camion et pourtant il reste la moitié de l’espace de dissimulé.

Collé à la paroi de l’habitacle, un rectangle de grande taille occupe l’espace restant est recouvert d’une bâche. Je vais soulèver la bâche. Il faudra que je demande au petit garçon de jouer aux puces de sable avec moi.

Sous cette bâche dans ma tête j'imagine, il pourrait y avoir quarante millions de pièces d’or de rubis d’émeraudes amassés. Il pourrait y avoir quatre cadavres de jeunes femmes fraîchement tuées. Il pourrait y avoir un monstre sanguinaire au repos dans l’obscurité, la maquette d’un engin génial ou les plans d’une banque-forteressse, il  pourrait y avoir une relique secrète du Christ enveloppé dans des draps de soie ou bien une momie inca, il pourrait y avoir toute une table de vidéo surveillance constamment braquée sur la demeure du répissent de la purublique, de n’importe quel star du show bizness ou bien de la mienne propre.

Non non non c’est trop simple, bien trop simple et trop prévisible.

Pile ou face.

Si je tombe pile, si je ne suis pas surprise étonnée étouffée alors moi je vais t'en foutre un camtar dans le fossé, planté comme un champignon au milieu du décor, avec ses cages et ses petites photos, avec son drapeau. Pirate ou pas, si c'est pile, c'est ça.

Face, si c'est autre chose.... Ce sera les puces de sable.

Et voilà que je soulève le machin.

7 octobre 2008

V.


Nebula s’était libérée de l’étreinte de Léo qui l’avait à nouveau plaquée sur le sol, elle lui avait rendu ses deux beignes & s’était sauvée vers le camion. Léo avait senti son assurance glisser, glisser le cul au fond de son fauteuil. Il s’était relevé & elle était déjà presque au pied du camion. Il l’avait regardé monter sans bouger, claquer la portière avec le visage tourné vers Léo. Sans doute qu’elle riait. Sans doute qu’elle fulminait. Tout allait bien. Elle avait démarré l’engin, oh flibustier comme elle devait savourer de le voir sur le dos appuyé sur ses coudes sans rien dire sans rien faire. Nebula l’omnipotente.
Et à présent elle file droit devant puis rejoint la route. Le camtar devient de plus en plus petit, petit, petit…

Une chose est étrange Nebula n’a pas pris le chemin de chez elle. Chez elle. Haha. Sans doute que Nebula s’en fout. C’est juste pour l’honneur tout ça c’est juste pour la contenance. Léo lui n’a pas de fierté à prouver, il s’en fout, la fierté c’est quoi ? De la paranoïa.

-Léooo !

Léo sourit & se retourne. Le monde est broyé par l’obscurité & comme n’importe quel gosse Léo a un petit peu peur du noir, mais à présent Léo s’en moque il perçoit déjà de ses yeux qui s’habituent, son interpellateur. Quatre-vingt centimètres de haut, deux mètres de long. Nitro. Pour Nitroglycérine. Oui mais en roulant les r.

Il n’y a personne autour rien qu’un grand oiseau gris mais la nuit… Les paons aussi sont gris.

Léo aime les paons.

Léo leur doit son nom. Beaucoup d’autres choses aussi.

L’une des cages ayant valsé hors du coffre avait du s’ouvrir sous le choc, & il était là ce gros calibre ce pedigree, à trimballer dans la terre ses plumes ternes les yeux dépité, Lééo, Lééo, pourquoi ne suis-je plus le phénix des hôtes de ces bois, pourquoi dis pourquoi j’ai plus des cheveux de la couleur de tous les ruisseaux du monde, pourquoi on ne m’appelle plus, eh Stroboscope ! Le grand paon se rapproche de lui de sa démarche lascive. C’est le plus grand des quatre paons de Léo. Un mâle superbement gaulé avec des plumes bleues & vertes, qui, quand il fait la roue, forment un éventail de plus de trois mètres de diamètre.

Où vont les oiseaux quand ils dorment. Où vont les rêves quand on s’éveille. Nitrrro mon amourrr, fait hocher ta petite crrrète au vent, me donne pas l’imprrression d’êtrre aussi grrrand. & Aussi…Malhabile !

Léo se relève, rejoint une boite sombre qu’il distingue comme l’autre cage. Il libère le second oiseau. L'enfant bleu. C'est l’autre mâle, les deux femelles sont encore dans le camion dirigé par la Nébuleuse. Charogne.

Léo fouille les cartons qui s’étaient explosés sur la route dans leur chute, récupère le récupérable, jette le reste sur le bas côté. Et y fout le feu. Les deux paons trottinent paisiblement au bord de la route, il a cessé de pleuvoir & le jour ne va pas tarder à se lever maintenant, et dire que la nuit aurait pu être tellement orange. Un jour commence. Pas sommeil. Le sang qui bat dans les artères. Le feu s'éteint tout doucement et Léo met ses doigs dans les flammes, écrase les braises.

-C'est pas une histoire d'être lucide ou pas dit Léo.

-Non, dit l'enfant bleu.

-Tu vois baby, l'autre jour je me suis dit: Même le pape s'il remue d'avant en arrière tout doucement c'est pour encore se choper le vertige & avoir ses pauvres petites tripes papales qui se secouent un peu comme à l'époque ou les réflexes, c'était pas totalement complètement fini. Et là Dieu m'a dit: Blasphème. On ne compare pas le pape aux autistes, Léo. C'est très mal, il ne faut pas, ça abîme l'émail de tes dents: Et puis dans la vie il faut être engagé, & ne pas se moquer des gens. Et si possible être végétarien. Moi, Dieu, je l'aime bien.

-Extase alors.

-Je ne savais pas que tu conaissais ce mot, dit Léo.

-Tu sais quand ce sont les viscères qui y passent & valsent au fond du ventre?...

-Oui quand tout s'arrête se mute & plonge vers le sud le nord, vers partout à la fois, vers l'acmé de l'émoi.

Eh bien c'est un mot extraordinaire pour qu'il puisse signifier tout cela à la fois, dit l'enfant bleu.

Léo se lève et se met à marcher doucement en longeant la route, les paons le suivent en trottinant. Il n'y a plus de bruit alors, Monsieur Nitroglycérine qui avait regardé ses pieds depuis le début, dit:

-Fichtre. J'ai les oreilles bouchées.

-C'est à cause du silence dit Léo.

Léo frappe le sol avec son pied. Léo va regarder le soleil se lever & il sera satisfait, un lever de soleil c’est tellement plus beau qu’un coucher hein. Réminiscence. Un lever de soleil c’est une effronterie à l’adresse de tous les désabusés du monde. Regardez petits cons. Je tourne tous les jours je gravite au dessus de vos crânes, & vous, vous imaginez qu’il y a quelque chose de plus intéressant ailleurs que dans la Vie ? Avec tout le respect que je vous dois hommes vous êtes des petits prétentieux.

Voilà ce que c’est un lever de soleil.


29 septembre 2008

IV .



Léo a la poigne ferme & assurée & solennelle d’un mec qui vient de faire quelque chose d’important même s’il a le cul trempé sur la banquette qui a pris l’eau. Il se dit : Ce serait si simple de faire comme quand on est gosse ah ouais, si simple de rester franc et déjanté, et puis jamais se soucier du concret. C'est vrai Léo pense pas au concret. C’est comme ça, il est resté comme toujours le mec qui agit à l’aveuglette, dans son coffre une gamine au moins aussi cinglée que lui qui dort avec le nez démis. Léo s’en fout, Léo cherche l’incubation totale, la grande transe intersidérale.

Léo a le volant en main, il le serre entre ses mains noueuses, il appuie sur la pédale. Léo il aime les grandes routes rouges qui filent jusqu’à perte de vue, jusqu’à perte d’esprit. La route est blanche & le ciel noir. Un temps monochrome, un temps pour Nébuleuse & sa petite bouche gercée. Il double un semi remorque, il compresse la pédale. Il branche l’autoradio qui démarre la vieille cassette, avec le volume tourné au maximum par défaut. Il tape avec ses doigts sur le volant, en rythme, Léo aimerait bien avoir l’air de quelqu’un d’angoissé. Léo est seulement, tellement vide, fertile.

Et malgré ce goût du sang j’irai jusqu’au bou-langer d’en face.

Léo siffle, la musique n’est plus qu’un grésillement qui oscille tout contre son tympan. Il devine l’air plus qu’il ne l’entend.

Léo baisse sa vitre, le vent s’engouffre violemment dans l’habitacle & brouille définitivement tout son champ sonore. Il double une mini par la droite, sort la tête.

-ET DIEU JUGEA QUE CELA ETAIT BON !

Le conducteur de la mini en furie, klaxonne, avec  l’espoir encore de transmettre quelque culpabilité à Léo du moins une prise de conscience.. Ouais. Léo remonte sa vitre & oui effectivement il sourit comme sourient les méchants dans les films, ceux qui sont mal rasés, émaciés, mesquins, ceux qui ont des cicatrices comme lui.

La chanson touche à sa fin & le volume baisse peu à peu. Léo contemple dans le halo blanc des phares l’infinité de bandes blanches qui défilent à un train hallucinatoire, Si tous les chemins mènent à Rome il aimerait que celui là mène ailleurs, par exemple dans un pays qui pourrait s’appeler la Saxophonie où on boirait du curaçao à la paille dans des grandes prairies sèches ou bien tout en haut des toits.

Le camtar est secoué brutalement, le choc est suivi d’un bruit de ferraille, & à nouveau, un long, lascif & insistant coup de klaxon, qui ne cesse pas… Dans le rétro Léo perçoit deux ou trois cartons vautrés sur la route. Cette petite conne elle a ouvert le coffre hein hein.

Léo fait zigzaguer l’engin, il ne voit sa silhouette nulle part sur la route. Il accélère, sort de la piste, fonce dans le bas côté terreux, & continue droit devant. Beaucoup plus loin, il s’arrête. Il claque la portière, descend doucement. Là bas encore sur la route, le conducteur de la Mini s’est arrêté, il beugle dans le vide en remuant les mains…  Léo rigole. Dans le coffre il n’y a plus que quelques malles & des cantines scellées, & puis deux cages. Il claque les portières & court. Il suit dans l’obscurité les traces du camion pour récupérer Nebula qui est tombée, ou a sauté, entre la route & l’emplacement du camion.

Léo est à quelques mètres de la chaussée, Nebula est recroquevillée dans la terre, juste devant lui. L’autre gars se rapproche, à la fois inquiet &  furax : chauffard, inconscient, etc.

Léo se penche sur le petit corps enveloppé dans son pull over en laine encore trempé, avec du sang séché sur le visage. Ses yeux sont ouverts, ou bien fermés, on n'y voit rien…

-Mais qu’est-ce qu’elle faisait dans votre coffre ?

-Je la séquestrais, j’avais l’intention de la violer sauvagement & de lui couper les ongles.

Léo attrape Nebula par le pull over, la secoue sans galanterie. Elle se relève et se dégage  d’un bond, les yeux grand ouverts, & lui saute dessus avec une telle force que Léo est par terre aussitôt. Le conducteur recule. Il hoche la tête en silence & remonte dans sa voiture rapidement.

Léo aux prises avec la petite fille de la caravane ah ouais. Léo a dix ans & il veut sa vengeance. Léo veut toujours une vengeance contre tout le monde.

Nebula s’était libérée de l’étreinte de Léo qui l’avait à nouveau plaquée sur le sol, elle lui avait rendu ses deux beignes & s’était sauvée vers le camion. Léo avait senti son assurance glisser, glisser le cul au fond de son fauteuil. Il s’était relevé & elle était déjà presque au pied du camion. Il l’avait regardé monter sans bouger, claquer la portière avec le visage tourné vers Léo. Sans doute qu’elle riait. Sans doute qu’elle fulminait. Tout allait bien. Elle avait démarré l’engin, oh flibustier comme elle devait savourer de le voir sur le dos appuyé sur ses coudes sans rien dire sans rien faire. Nebula l’omnipotente.
Et à présent elle file droit devant puis rejoint la route. Le camtar devient de plus en plus petit, petit, petit.

Une chose est étrange Nebula n’a pas pris le chemin de chez elle. Chez elle. Haha. Sans doute que Nebula s’en fout. C’est juste pour l’honneur tout ça c’est juste pour la contenance. Léo lui n’a pas de fierté à prouver, il s’en fout, la fierté c’est quoi ? De la paranoïa.



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16 septembre 2008

III.


Nebula marche doucement sur le mur en pierre, qui longe la digue, qui longe la mer… La mer qui fait le tour le tour du monde, Nebula voudrait être l’écume & aller frapper le sable & s’écraser contre les rochers de la Terre.

Léo est dans son petit camion, plus loin, sous un réverbère. Léo attend cette petite fille perdue, au milieu de cette longue digue qui fend l’océan, il va la cueillir comme un coquillage au milieu des morceaux de verre, ils se battront encore & elle sera cette petite gitane d’il y a des années, cette petite gitane à l’oiseau dans la caravane, il purgera la Haine & il puisera le reste. Nebula l’oiseau de nuit, qu’on la prendrait pour un phare éteint si on regarde bien. Sauf les yeux peut-être, bleu terne, comme la mer.

Un phare éteint marche en équilibre sur la petite margelle de la digue, sous ses pieds le béton & plus bas encore l’eau furieuse de la nuit, la tempête comme dans les films, avec l’écume le bruit le vent & les petits poissons qui sifflent, tout ça qui gravite autour de Nebula. Léo observe ça de loin, il a froid aux orteils, envie de mettre la musique à fond  oh ouais comme elle l’exaspère cette folle visionnaire avec ses notions étranges. Envie surtout oui surtout de lui faire tâter le soleil un peu, eh, regarde comme c’est plus marrant la poussière sur la route & le soleil qui tape plutôt que de se choper l’onglet au milieu d’une grande flaque de sel.

Nebula qui avance toujours, si doucement comme exprès pour emmerder celui qui l’attend & qui gèle sur sa banquette, & la perspective va tellement toujours dans le sens de ceux qui ont le temps que ça le fait trépigner aussi, la margelle qui fonce tête baissée au milieu de l’eau pendant des kilomètres & des kilomètres. Avec la lumière jaune qui pend des réverbères, & puis le phare au bout, qui balaie de temps en temps l’espace avec son plumeau vert. Allez Nebula demi-tour ! Allez Nebula je t’emmène sur mon strapontin, haha, qu’est-ce qu’on rigolera quand je te ferai mordre la terre rougie, & sèche, des longues nationales.

Mais Nebula s’en fout elle elle marche, sait-elle que Léo trépigne derrière sait-elle que quelqu’un est en train de tomber amoureux d’elle, peut être. Peut-être mais Nebula n’a pas la notion du monde extérieur, alors elle marche.

Le monde extérieur prend la couleur bleu-gris du déluge, la flotte qui commence à tomber & qui efface les traces de poussière sur le pare brise, les cordes d’eau transversales qui s’immiscent dans le faisceau de lumière du phare, le vent qui, etc. Un super décor de drame, le truc propice à l’inspiration d’Hitchcock, & puis comme s’il ne manquait plus que ça à Léo en plus du temps des orteils gelés & du trépignement… Nebula qui n’était plus qu’une tache sombre au milieu du paysage sombre, disparaît.

Léo soupire, tellement vite qu’on dirait de l’effroi mais non, Léo soupire & il se dit qu’on ferait vraiment n’importe quoi pour revenir en enfance. Il saute & la porte du camion reste grande ouverte. Léo court, il se dit que cette garce a le sens du théâtre et qu’elle doit vraiment aimer l’eau. Glaciale. Il arrive vite à l’endroit où elle se trouvait, tellement elle marchait délicatement tellement elle le faisait tourner en bourrique, t’en fais pas Léo tu l’auras ta vengeance ta Truculente Vengeance. Léo avec sa main en sang, qui saute dans l’eau.

Nebula est encore la tête dans l’océan & le corps cramponné aux remous jusqu’aux os, mais elle voit ce grand esturgeon qu’elle avait presque oublié dans tout ça, percer la couche subaquatique dans un tourbillon de petite bulles, & elle se dit : Léo est téméraire, Léo est impulsif, Léo est bête. Léo pense vraiment qu’il pourrait la retrouver au milieu de l’eau & de l’air uniformes dans leur obscurité. Il pense qu’elle ne peut pas se débrouiller seule, qu’elle est une donzelle en détresse.

Nebula donne deux coups de bras, elle se hisse la tête hors de l’eau. Avec ses yeux de nyctalope, elle perçoit la masse noire de Léo qui ne s’en sort pas trop mal mais qui la cherche, comme une anguille déboussolée qu’on dirait.

Nebula glisse dans le fond sans trop comprendre pourquoi, Léo peut-être l’a rattrapée. Enflure ! Elle sourit. Dans l’eau, on ne voit pas ses dents. Léo lui saisit le cou entre les doigts, ils serre, elle ne sourit plus mais elle a vraiment très envie de rire, elle a envie de lui dire de s’en aller, c’est contre nature de revoir ses amis.

Petite fille, tu te fous de moi hein tu te fous de moi, l’ insolente, dans les autres théâtres sur d’autres places, c’est moi, le roi de l’impertinence. Tu verras, hein tu verras, je ne te lâcherai que le jour où on en sera exactement au même point toi & moi.

Nebula se dégage de son étreinte, elle se hisse dehors & à quelques mètres de lui, il sort aussi. Il la voit avec ses cheveux longs aplatis sur son crâne glacé. Nebula !

-Je ne suis pas une donzelle en détresse, qu’elle dit.

-On aurait dit. Tu sais tu as la démarche & le regard d’un petit enfant qui a perdu ses parents dans un supermarché.

- J’ai perdu mes parents dans la mer.

- On a tous perdu quelque chose quelque part.

- Je ne suis pas à plaindre. Je ne suis pas une donzelle en détresse.

- Petite, tu es la Peste. Tu vois la lumière du phare qui éclaire ta gueule comme le stroboscope des épaves, tu vois la pluie qui tombe de traviole, tu vois l’eau qui va finir par me rentrer dans la gorge si j’arrête pas de parler, tu me vois moi avec mes yeux brillants & ma main qui aimerait tordre la tienne… Tout ça c’est ta faute.

-Et pourquoi ?

-Et pourquoi pas. Tu es jolie comme une méduse.

-Tu vas me faire pitié si tu continues.

-Tu aimerais bien que je continue, ça se voit, tes paupières translucides elles cillent de plus en plus vite. Ne me dis pas que c’est le sel.

-C’est le sel.

-Bordel, Nébuleuse ! Tu sors de l’eau, tu viens avec moi, tu montes dans le camion, tu dis à la pluie d’arrêter de pisser & tu changes la nuit en jour, & on s’en va, je sais pas où…

-Tu me fais beaucoup rire, petit, non je ne suis pas un animal de compagnie.

Léo frappe l’eau avec le plat de ses mains en se mordant les dents.

-Sombre idiote, c’était un peu comme une déclaration.

-Tu tournes en rond.

-Nebula tu m’agaces, Nebula viens avec moi on sera encore pire à deux, on sera la tare on leur fera. S’arracher les cheveux.

-Non.


 


Léo a les épaules qui tombent, il est las & il réfléchit très vite & son poing finalement atterrit dans le visage de Lady Nebula Elly Ursule De S. à une vitesse élevée, multipliée par la force du bras : Le corps de Nebula se fléchit & remonte à la surface, le sang dégouline de ses narines. Léo la prend sous le bras, il nage vers la plage là où il pourra la hisser sur le sable & directement dans son coffre ! Comme les vrais kidnappeurs, ceux qui vont au tribunal avec leur veste sur la face & qui ont toujours une tête de Méchants quand finalement on les découvre dans les journaux. Est-ce que Léo a une tête de méchant ?


Parenthese_by_TotoRino

Il traîne le corps de la méduse inerte à la surface, il l’échoue au milieu des algues, & puis il la laisse là le temps d’ouvrir les portes du camion. Ses poings laissent des traces de sang sur la poignée en acier. Derrière, Nebula dans son lit d’algues oh ouais on la laisserait presque là comme ça juste pour le plaisir, juste pour regarder son corps inerte soulevé de ses battements cardiaques, lents. Juste pour regarder ses cheveux longs qui traînent dans les coquillages & le sable mouillé, comme une sirène malade.

Il la cueille, la hisse jusque dans le camion, & là il la cale dans un coin, entre ses cages & ses cartons. Bonsoir, bonne nuit, fais de beaux rêves Lady Mary Nebula S.

Photo: *Totorino



16 septembre 2008

II.

Funeral_aesthetics___by_Sirxlem

 

Nebula:

"J’ai fermé le battant de la porte avec mes deux paumes. La cage d’escalier est éclairée d’une lumière jaune un étage plus haut, je ne vois pas devant moi mais qu’aurais-je à voir, je le connais par cœur ce palier glauque, avec la moquette jaune, imbibée de cendres à force d’en trimbaler dans mes mains jointes, le soir, parfois. La porte d’en face elle était close, comme toujours, avec sa petite étiquette jaunie et son Judas poussiéreux.

A force de rester debout contre cette porte j’ai failli m’endormir. Aujourd’hui j’ai pas dormi, hier non plus. Alors je suis descendue, les marches étaient silencieuses et moi je respirais la poussière..


Dehors, le trottoir est parsemé d'allumettes macchabées.


Cette nuit je vais aller marcher sur la mer, un peu plus loin au bord de la ville & je penserais à plein de petites conneries. J’aurais pas peur du vide, ni du vent. Mes pieds nus claquent contre le macadam, quand on marche vite le choc des talons se répercute dans les oreilles, le tempo rapide de la démarche qui bat les tympans. Je marche le long du trottoir, parfois ma cheville se tord et alors je dois m’arrêter, je m’assois sur les marches devant la porte d’une maison de petit vieux, avec la porte en bois et la dentelle, puis des meubles aux motifs régionaux dessus, et puis des fleurs et des vases autour, enfin vous voyez le truc. Je masse mon pied nu et des gens passent sans me voir. J’ai l’air d’un gamin de treize ans, avec mes longues jambes et puis mon visage tout plat, et mes seins qui n’existent pas. Ils ne me voient pas, pourtant, selon les règles morales qu’ils se sont établies et que nul n'est censé ignorer, un gamin de treize ans ne traîne pas dans la rue la nuit. C’est inconcevable parce que ça ferait crado.


Moi je ne me rappelle plus ce que je faisais à treize ans, sans doute que je traînais ma carcasse dans les rues avec des grenades dans les poches.


Les rues du quartier sont toujours désertes, il n’y a que moi de vivant sans doute. Il faut aller beaucoup plus loin pour voir des silhouettes autres que celles des prospectus qui volent, et encore plus loin on peut voir la foule. Moi je préfère quand c’est vide que ça résonne quand on pousse un cri. Des fois je pousse des cris oui, pour rien comme ça ça m’amuse et ça me réveille. Je trace au hasard dans les rues ça m’amuse oui. Je réfléchis beaucoup à des choses qui doivent bien porter un nom mais que j’ignore, moi j’appellerais ça des conceptions personnelles de. De. L'horticulture, du don d'organes, des TV-Shows, de la réincarnation, du pape, des mômes, du capitalisme,  de Sartre, Beckett, Stevenson, Kennedy n’importe quoi des conceptions quoi. Un avis voilà. Un avis un truc comme ça, le genre de chose que tout le monde a.

 

Voilà, les rues sont toutes droites vers la mer, au final c’est toujours là bas que j’échoue. J’ai les cheveux dans la bouche, à cause du vent. Mes pieds marchent de travers, je marche sur un morceau de verre alors je saigne, alors je marche sur un pied vers l’eau et je trempe ma chair dans la mer, ça brûle. Ce morceau de verre, je marche souvent dessus, je pourrais me baisser, le ramasser puis le jeter dans la mer, ou bien faire des ricochets. Mais je le retire de mon pied, la plaie saigne sur le tesson où mon vieux sang à coagulé et puis je le lance dans le coin à la ronde et puis je cours vers l’eau, et puis voilà.


La nuit, on voit pas la différence entre la mer et le ciel, on ne voit que l’espace, béant et obscur.


J’enlève mon grand tee shirt et je le dépose quelque part, et puis je plonge dans l’eau. Je bois l’eau salée, et puis je pisse dans l’eau pour la réchauffer, je lance l’eau avec mes bras, je fais la fais ruisseler les sur mon front, puis je gobe une goutte qui perle sur mon nez. Je ris toute seule. Je fais tellement de choses toute seule, c’est pour que mon oxygène ne soit pas saturé, par le leur, avec leurs bulles de mots qui veulent rien dire, qui ne surprennent personne. Tu croise une personne dans la rue, tu sais qu’elle va te dire, « Salut, ça va » ou bien des équivalents propres à sa conception du langage, puis ensuite elle te parlera d’elle. On sait tout d’avance sur eux. Pour eux, c’est ça être « sympathique », c’est concorder à cette idée qu’on a de la sympathie, être bien programmé, poli, savant, et puis tu fais le beau et si tu es riche c’est encore mieux. Voilà l’amitié. Moi je me fais des amis un soir et je ne les revois plus jamais après. C’est contre nature.


Il se met à pleuvoir, alors moi j’inspire, et je me cache sous l’eau. Je peux rester longtemps en apnée.

Il pleut longtemps, et moi je reste sous l’eau, j’ouvre les yeux mais je ne vois rien puisque l’eau est aussi noire que le ciel, le ciel aussi noir que l’eau, et moi au milieu avec mes yeux ouverts, j’y peux rien. Alors je rigole. C’est très habile. Sous l’eau, mon rire fait des bulles, je les sens qui frôlent mon cou. Je tiens toujours. Mes yeux me brûlaient, avant, et puis maintenant plus. La nature a fait quelque chose de très pratique, il suffit d’habituer son organisme a certains phénomènes, après, c’en sera fini. Vous savez, la douleur et les conneries du genre. Je ne ressens pas la douleur. Je ne ressens pas la solitude non plus.


J’entends plus la pluie, je me soulève, d’un coup, sur mes pieds. Je ruissèle brusquement, je sors de l’eau a grands pas, ces grands pas lents qu’on fait dans l’eau parce qu’on ne peut pas courir. Je rejoins le sable et puis je me rends compte que j’ai oublié de me remettre à respirer. J’insuffle, j’avoue que c’est frais et limpide, l’air, et puis ça a un goût extraordinaire c’est peut-être ça le meilleur dans tout mon petit manège là.

Sur le sable je remets mon tee shirt et je remonte sur la digue, en escaladant les rochers de mes ongles qui se cassent. Les lampadaires éclairent le bout de route avec leur  lumière jaune & moi avec mes ongles cassés et mes mains froides j’arrive sur le goudron et je m’allonge par terre. Pour regarder les néons blancs d’en dessous, comme de grands soleils, ce soleil que je ne vois pas souvent, par manque de motivation.

J’ai l’impression de me dissoudre entre les grains du macadam, en décomposition totale, morcellement intégral. Si une moissonneuse batteuse me passait sur le corps, je serai là, insensible, éparpillée un peu partout en petits grains entre les petites failles du bitume, à rire doucement.


Et puis quelqu’un est arrivé, je vois une ombre ramper contre le sol. L’ombre était loin, et puis elle s’est immobilisée. Je lève la tête puis je vois un grand personnage, avec les mains dans les poches, parfaitement statique devant un lampadaire, la tête levée puis qui regardait le néon. Il me tourne le dos, et puis il se remet en marche après. Alors je reste allongée là et je m’endors quelques minutes. Aucune moissonneuse batteuse ne passe. J’aime les endroits déserts. Il y a la brume qui me piétine, elle se la ramène toutes les nuits avec ses particules d’eau en suspension. Je m’entraîne à les gober. C’est un exercice hardi.


Je finis par rentrer dans un bar puis je vole une bouteille de whisky. Je passe inaperçue, où que j’aille et un jour j’en mourrai peut-être qui sait.


Pourtant, je suis grande, quand je me regarde debout dans la glace j’ai l’air bien mince avec mes yeux sous le front, mes petits sourcils qui n’ont jamais l’air surpris, mes guibolles de garçon manqué puis mes cheveux électriques et négligés on dirait un morveux ouais un petit morveux de ceux là qu’on encore des rêves plein les yeux.

 

Je suis de nouveau dans la rue avec ma bouteille, je marche en la regardant dans les yeux dans le goulot liquide translucide. Je n’ai bu du whisky qu’une fois dans ma vie. Une seule fois. J’avais quatre ans. Depuis ce jour je n’ai pratiquement pas bu d’alcool je ne sais pas pourquoi surement que je n'y ai pas pensé.Maintenant à y penser je trouve ça relativement sale. Propre à l'homme tout du moins. L'homme qui boit, qui boit parce qu'il est seul ou parce qu'il est avec des amis. Le comble du désuet. Boire & laisser faire le reste.  Faire dépendre un état physique et moral d’une substance.  Je ne me fais régir par aucune substance moi, mais dans les mains petite bouteille de whisky froide et vierge comme un cercueil vide, bah.

Mes yeux guident mes pas le long des rues et puis voilà que j’atterris toujours au même endroit devant la mer, sur la plate bande de bitume qui précède l’avancée de sable. Je voudrais un cerveau en béton armé et des doigts d’hippocampe. 


Là planté sous un réverbère je retrouve le grand garçon, toujours les mains dans les poches et les cheveux pareils qu’avant, les yeux je ne sais pas je n’avais pas trop regardé. Lui non plus ne regarde pas trop il ne m’a même pas vue, voyez comme je suis transparente. 


Je dépose la bouteille doucement sur le trottoir sans faire de petit cling !, je me glisse dans son dos, et j’enroule mes mains autour de son cou, en serrant fort fort, puis je murmure à son oreille, Vendetta ! Vendetta… Juste pour rire. Il ne rit pas, il ne frémit même pas, il se retourne brusquement et me frappe au visage, et moi je vole en éclats sur le sol. Quand il voit que je suis une demoiselle, il doit vraiment se poser des questions. Il s’en pose plus encore quand je me relève en riant et que je saute sur lui, un bras autour de son cou, les jambes repliées sur sa veste sombre, et que je commence à enfoncer mes doigts derrière son œil, de plus en plus fort. Mes jambes bloquent ses bras. Il se débat un peu puis je lâche prise, je glisse par terre.


Les gens ne s’attendent pas à ce qu’on s’attaque à leurs yeux. Moi, c’est ce que je fais, parce que ç’est universellement la chose la plus fragile, et puis ça décontenance. Lui, il n’est pas décontenancé, il se baisse, attrape mon bras, le soulève. Je pends lamentablement au bout de mon bras. Ca me fait rire mais je m’abstiens. Je le regarde dans ses yeux, ces yeux ternes et maussades et puis je fais remonter de la salive et je crache par terre, sans le quitter des yeux. Il me lâche et je m’écrase dans le caniveau et dans ma salive.


Je lui dis quelque chose parce qu’il faut bien. Ce que je lui ai dit, je ne le répèterais pas parce que hors contexte, ça sonnerait faux. Mais il m’a regardé et il a ri. Haha, oui, il a ri et pas de n’importe quel rire. Vous savez, celui qui part directement, sans crescendo, qui éclate précipitamment, bref, rauque. Sa bouche s’est tordue en une grande ride. Certains garçons rigolent avec cette intonation. Les filles, elles, jamais, j'ai remarqué.

Il me relève, je montre les dents.

-Tu te crois la plus forte, dit il.

-Et toi ?

-Je crois que j’aurais pu t’écraser d’un coup de talon.

-Je suis plus solide que vous tous.

Je marche jusqu’à ma bouteille posée sur le sol, je la ramasse. Il a remis ses grandes mains dans les poches de sa veste sombre, il sourit d’un seul côté de la lèvre en suivant mes mouvements des yeux. Je m’assois sur le trottoir, je dévisse le bouchon et je respire l’odeur de l’alcool.

- Tu n’as pas les yeux d’une fille solide les poings encore moins. Tu es blême tu ressembles à un mur.

Je ferme les yeux. La lueur qui perce mes paupières a s’est affaiblie: le grand gars s'avance vers moi. Son ombre recouvre mon visage.

-Tu as bu ?

-Non.

-C’est bien ce que je me disais. Tu va aller t’asseoir sur la plage et boire ton whisky toute seule, et tu lanceras des cailloux dans l’eau en parlant anglais tout bas.

J’ouvre les yeux. Le gars a une petite cicatrice verticale du bas de son front jusqu’à la joue droite, qui recouvre son œil. Une blessure de méchant.

- Oh non mais toi, toi tu marchera sur tes pieds longtemps encore, tu parleras aux réverbères puis au milieu de la nuit tu t’arrêtera, et tu te rendras compte que tu t’es perdu.

Je bois une gorgée de whisky. Haut le cœur. Il ricane:

-C’est fort, hein.

-Oui.

-Eh bien, bonne nuit.


Je le retiens par la manche et je pose par terre la bouteille pleine. Je montre les dents. Le silence nous imbibe comme de l'ether sa pomme d’Adam saillante va et vient sur son grand cou lorsqu'il ravale sa salive. Je dis tout doucement :

-Tu veux qu’on se batte, encore un coup ?

-Okay.


Sur ce d'un bond je me lève la bouteille à la main et je l’explose contre le lampadaire des gouttes d’alcool et des éclats de verre ricochent sur sa veste le reste finit en flaque immonde et informe absorbée rapidement par le sol. Le verre parsème le trottoir, il me reste le goulot dans la main, tranchant, c’est théâtral et pas forcément très malin mais moi je m’amuse je m’amuse. Je plisse les yeux enfin c’est comme ça que je ris quand je ne veux pas trop le faire savoir.


Le grand ne fait aucun geste, n’esquisse même pas un mouvement de surprise. Il me contemple avec un air diverti. Nous semblons nous amuser beaucoup tous les deux.

-C’était pas nécessaire cette petite mise en scène, petite fille, dit il en regardant ailleurs d'un air indifférent.

- Ca ne te tente jamais toi ?

Je m’approche de lui avec le goulot brisé de la main gauche.

-Etre un vrai truand.

Je le prends dans mes bras.

-Comme dans les films des parents, je dis, quand ils étaient encore présents, avec le flingue caché dans le pantalon et toujours toujours esquiver les balles au bon moment…Non plutôt, ne pas les esquiver jamais parce que c’est comme ça il faut s’y faire les méchants sont toujours presque morts à la fin, ou bien en taule ou bien mal barrés. Se les prendre à l’épaule ou dans le genou, il parait que ça fait très mal aussi… C’est nous les plus courageux.

Le grand, en m’écoutant, prend ma main droite, la porte à sa bouche et l’embrasse. Et soudain, la tord violemment, mon bras craque et plie, je chois, mes membres se tordent contre le sol.

Du temps & des petits coups de poignard dans le dos avant de devenir une petite frappe.

Je me dresse sur mes genoux, tends le bras, entaille la main qui me retenait le poignet. Il me lâche, recule. Il perd un instant son air amusé, je sens de la violence remonter le long de sa colonne vertébrale et secouer son front. Je lâche le débris de bouteille, me relève en boitant. La douleur est là, dans ma jambe gauche, bien que je ne la sente pas, et elle m’empêche de marcher.

Pour éviter qu’il ne se jette le premier sur moi, je rue dans ses jambes et le fais basculer en arrière il m’attrape le cou et serre de sa main valide, je retiens ma respiration, & là, il peut toujours chercher à m’avoir haha ! Il étouffe un grognement, d’un rapide mouvement me renverse et se relève. Et merde.

-Tu veux en finir là ?

Je ne réponds pas, j’ai toujours les poumons bloqués, les battements de mon cœur commencent à ralentir. Il me secoue, ma tête cogne contre le rebord du trottoir parsemé de tessons de bouteille puant le whisky. Certains morceaux de verre s’incrustent peu profondément dans ma peau. Il cède, me lâche. Il a senti mon pouls faible en enserrant mon cou.

Je respire.

Il s’assoit un peu plus loin sur le trottoir, en serrant sa main ensanglantée dans sa veste grise. Je gratte mon crâne pour en désincruster les morceaux de verre. Ca picote. Je me relève et m’assois à ses côtés.

-Tu n’es pas plus solide que nous tous.

-Bien sur que si.

-Tu es constituée comme n’importe qui, tu es sortie par l’utérus de ta mère, tu te bats comme une gamine énervée et irréfléchie. Un jour, les vers te mangeront.

-Je parie que t’es communiste, dis-je en ricanant. Dis que c'est faux! Haha.

-C’est faux.

-Tu mens… Ne nie pas, regarde comme ils sont ridicules, tous, avec leurs télé-réalités, leurs hit-parades, leur acné juvénile jusqu’à 40 piges et puis les rides après… Non non moi je ne trempe pas là dedans.

Le grand me regarde surpris il hausse un sourcil il serre sa main contre le tissus de son pantalon.

-Ca n’a rien à voir avec ce dont on parlait.

-Peut-être pas & alors ?

Je le prends par la main puis je l’emmène sur la digue, je cours, en clopinant, lui me suit. Je prends garde à ne pas trop serrer sa main, le sang a déjà coulé sur la mienne. Il rit, nerveusement, de ce petit rire bref chatoyant. Et puis je grimpe sur le ponton en le traînant. Je vais jusqu’au bout, jusqu’au bout. Autour, il n'y a plus grand chose que le noir, profond, sombre, on ne voyait plus l’est, l’ouest, mais juste quelques lampadaires sur la digue éclairée, derrière nous. Et là, au bout de l’avancée, je le pousse dans l’eau.

Il crie, de surprise sûrement. Et moi je me laisse tomber aussi. Je fais un plat, je ris encore, et sous l’eau, les bulles. Il fait noir. Là, sous l'eau dans ce grand flou artistique salé qui pique les yeux, mes mouvements lents qui s’adonnent à l'extase sub-limen, l'obscurité sous l'air. Je me dissous dans cette infinité grisante, ce néant amniotique, fusion avec la nappe liquide. Coma d'abstraction. Dans mon exaltation, je sens sa jambe qui bat, il est remonté à la surface. Je nage jusqu’à lui, je l’attrape par sa veste et je le tire vers le bas. J'ai beaucoup de force pour mon petit corps frèle, ça remonte à quand je me déplaçais sur les mains. Nos gestes sont lents. Nous remontons peu à peu.

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Il émerge avant moi, j’entends les remous de l’eau et je perçois, sans les comprendre, quelques mots qu'il prononce. Ses bras me cherchent aveuglément sous l’eau mais je me dégage et remonte un peu plus loin. Et puis soudain la tête qui rugit hors du silence: Être une masse, une multitude de sons, être une odeur, être un cerveau. Être concret et bidon. Je ne suis pas même essoufflée. Il halète, remue des bras pour se maintenir à la surface.


-Tu es totalement décérébrée.

Je ris. Je nage vers la côte, il me suit, me devance.

Arrivée sur la berge,  je m'allonge sur le ventre, dans l'écume. Je l'entend derrière qui s'ébroue, qui remue, dans le sable. Moi je respire de nouveau, mon souffle fait éclore de fines petites bulles dans le sable puis elles crépitent et fusent, disparaissent. Je pourrais rester longtemps ainsi à contempler ce petit ballet, comme je reste des heures devant les fourmilières à regarder ces petits humains flétris trimballer des choses sur leur dos, jusqu'à ce que j'en sois couverte, que j'aie des fourmis dans la bouche dans le nez et entre les doigts.

Je ne perçois plus son souffle derrière moi, ni le crissement du sable mouillé sous ses mouvement sourds. Il est parti. Un pion de plus, un personnage que je ne reverrai jamais, un rôle, une apparition unique et furtive dans le coin d'une nuit paumée. Ce grand là m'avait surprise, à quelques moments. Un rôle précieux en somme, moins insignifiant que ces autres allégories insipides, mais tout aussi absurde. C'est comme ça.

Je rentre finalement chez moi mais je reste sur la pas de la porte parce que je regarde un petit insecte noir. Un petit scarabée. Je le ramasse. Je monte chez moi et je prends une boite d'allumettes, je ressors, le scarabée est toujours lové au même endroit dans la grande ligne de ma main. Je le dépose par terre petit compagnon. Puis, comme ça, assise sur le trottoir je joue à ce jeu que j'avais inventé il ya longtemps, pincer cinq allumettes entre mes lèvres & passer d'un coup sec mes ongles repliés sur les embouts qui s'embrasent aussitôt. La tête en arrière, je laisse couler le feu et quand ça arrive trop près de mes lèvres, je souffle, le feu fuit et les allumettes le suivent vont rejoindre les autres par terre d'un coup de langue. Je joue à ça des heures durant.

-Ils apellent ça la lâcheté. Moi j'apelle ça le discernement.

-Tu parles ! dit le scarabée.

-Ta gueule la mouche.

Je construis machinalement une petite muraille avec des cadavres d'allumettes et je mets le scarabée dedans.

-Petite tu préférais être le scélérat que la princesse hein dit-il.

-Oui.

-& maintenant & maintenant ?

J'envoie balader la bestiole avec sa muraille en allumettes. Je me lève. A ce moment là, le grand paraît au coin de la rue, de sa démarche veule, les mains dans les poches de son pantalon noir. Je me retourne. Je  l'entends arriver, j'écoute le bruit de sa démarche. Il est bientôt tout près, derrière moi, et soudain il éclate de rire comme la première fois. Je me lève d’un bond et il recule d'un pas. Paniqué.

-Je ne cherche pas à te tuer, dis-je dans un sarcasme.

-Pour une fois.

-Si j'avais voulu j'y serais parvenue.

-Tu crois ça?

-Qu'est-ce que tu viens faire là?

-Rien de spécial, tu vois, marcher, attendre que la douleur de l'eau de mer sur ma plaie se soit estompée, te recroiser peut-être.

-Tu n'a rien d'autre à foutre?

-Non.

-Moi je n'aime pas revoir les gens. C'est la troisième fois que je te revois cette nuit. Mauvais présage.

-Léo, dit-il en me tendant la main.

Je grogne, je n’aime pas les poignées de mains je préfère les poings serrés, contre les dents.

-Lady Nebula Elly Ursule dis-je en regardant un lampadaire très très loin.

-Nebula.

Je soupire.

-Pourquoi as tu l’air si irréfléchie ? Dit-il.

Je ne réponds pas.

-Tu sais quoi? fait-il en sortant de sa poche un fume-cigarette, un paquet & un briquet. Les gens qui disent que l'on peut se comprendre sans paroles sont les plus grands chiens du monde, c'est juste une pratique pour les feignasses et les analphabètes.

-Ma voix est tellement rauque que j’ai peur de la perdre un jour.

Il est toujours debout sur ses grands pieds de géant, me regarde d'en haut de son perchoir avec celle belle face émaciée, ce regard  creux d'assassin. Il sourit ou bien soupire, qu'importe. Il emboute sa cigarette & l’allume.


Moi je cours. Je suis déjà loin. Il y a un camion là sur la digue. Je pile. Derrière le camion il y a la mer. Je contourne. Il faut que je bouge, que je courre encore, plus loin, jusqu'à ce que néant s'en suive. C'est toujours comme ça avec moi. Je n'ai aucune nuance, je suis toujours dans cette apathie gorgée d'une colère, colère venue d'on ne sait où ni pourquoi elle se la ramène avec sa face insolente... La colère, la musique et l'eau, les trois choses qui me font frémir un jour ma personne qui explosera d'un grand flot exacerbé sur tous les murs de la ville. Je sais exactement ce que je fais et pourquoi je le fais. Je ralentis je marche sur la digue avec mes pieds tordus, indolores."

Photos: Sirxlem & ?   

16 septembre 2008

I. (PS: Indulgence, J'me suis pas relue.)

Je suis Léo je suis: Le Pirate! Je suis Léo. Je suis Léo, je suis le lion le loup le torero, Homo Homini Lupus. Je suis celui qui rentre en transe, & qui tend les bras, vers le sol, en criant, quand il fait beaucoup trop noir.

Je suis Léo parce que moi j’ai une longue cicatrice sur l’œil, qui descend du sourcil jusqu’à la joue. En vérité je m’appelle surtout Eric Cobham de Poole, je ne fais aucun prisonnier, je n’ai absolument aucune pitié... Parfois je cille. J’ai un tricorne sur la tête et un Jolly Roger dans mon camtar, je roule au hasard et je finis toujours par arriver quelque part.

Un jour j’ai appris la vie en une seule seconde.

Depuis ce jour, je cogne sur des hommes grands comme des carcasses de bœuf et ils me le rendent bien. Mon échappée est celle du sang. Le corps couvert d’hématomes, de cicatrices, depuis ce jour je cogne sur tout ce qui est hostile, fort, puissant. Si vis Pacem para bellum. 

Je suis Léo je suis. Le petit Homme de Fer. L’enfant qui aurait trop grandi. Le fou du Roi ou le Roi des fous ou les deux à la fois. Je trace la route. Je traque le reste, Hide & Seek, je suis Léo le pirate sans trésor, Léo le chercheur d’or.

 

Recherche muse.  Recherche crève cœur. Recherche la route pour le royaume des mantes religieuses, recherche la sortie de ce pays où les pliages origami chinois n'existent que pour se tailler les veines. Recherche Zadig, & surtout la destinée. Recherche essoreuse à cerveau, recherche micro-ondes à nébules & transcendoir de poche. Recherches musiques pour faire pleurer sans perdre de larmes. Recherche vandale pour vandaliser, Tantale pour tenter -recherche sandales pour s'éclipser. Recherche bouteille d'absinthe calcinée aux odeurs de sanguinolentes romances, recherche acide citrique pour petits meurtres d'indifférence. Recherche Voyage Au Bout de la Nuit diurne pour Bardamu rapiécé. Recherche tueur à gage & plus si affinités. Recherche allumettes & grands incendies, feux d'artifices en poudre à diluer, smoke on the water: recherche apnée. Recherche les coutures du monde pour aller tentaculer l'espace imaginaire. Recherche insectes écrasés cryogénisés en sorbets framboise. Recherche rave, teuf, tekos, free party, recherche uranium en confiture pour le petit déjeuner. Troque scaphandre fonctionnel bon état, contre poumon droit. Recherche, quoi encore ? Recherche ANTICATASTASE. Recherche solution finale, lait en poudre, boite à musique encéphale, recherche extase, recherche paroxysmes en tous genres.

La vie un putain de braconnage.


C’est comme ça. Recherche muse. Je suis Léo. Prêt pour la baston. Paré à l’abordage. Sus à l’ennemi !


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